lundi 21 mai 2012

Un patient aˆgé de 19 ans est admis dans le département
de chirurgie maxillofaciale suite à une agression
sur la voie publique. Il présente une tuméfaction
douloureuse de la région mandibulaire gauche en
regard de la première molaire.
L’examen clinique objective une tuméfaction douloureuse
accompagnée d’un hématome de la région mandibulaire
au niveau du vestibule buccal adjacent aux dents 36 et 37.
La radiographie panoramique révèle la présence d’une
double fracture de la branche horizontale gauche, dans
une zone osseuse d’aspect lytique et irrégulière de la région
périapicale des dents 36 et 37 (fig. 1).
Vu l’aspect de´labre´ des dents 36 et 37, le diagnostic de
kyste périapical avec fragilisation de la mandibule est
évoqué.
Le bilan sanguin réalisé à  l’admission est normal.
Le patient est hospitalisé et, sous anesthésie générale, les
dents 36 et 37 sont extraites, la lésion mandibulaire curetée
et le produit de curetage envoyé pour une analyse anatomopathologique.
Les fractures sont alors réduites et ostéosynthe
´se´es par une plaque (fig. 2).
Les suites opératoires sont normales et le patient quitte le
service au deuxième jour postopératoire.

 Figure 1. Orthopantomogramme montrant la double fracture
mandibulaire gauche. 

 Figure 2. Orthopantomogramme postopératoire.

Quelle lésion l’examen anatomopathologique a-t-il révélé ? 
 Réponse
L’examen anatomopathologique de la lésion mandibulaire
évoque le diagnostic d’histiocytose langherhansienne.
Il s’agit d’une prolifération histiocytaire non néoplasique
d’étiologie inconnue.
Elle n’est déterminée par aucun caractére ethnique ou géographique
et se rencontre surtout chez l’enfant de sexe
masculin (50 % des cas survenant avant l’aˆge de 20 ans).
Les lésions osseuses se situent préférentiellement au
niveau des os plats (craˆne, coˆtes), des vertèbres, de la mandibule
et des os longs (fémur et humérus). En cas d’atteinte
maxillofaciale, ce sont les régions molaires inférieure et
angulaire qui sont habituellement touchées [1-3].
L’histiocytose langerhansienne a été décrite pour la premié
re fois à la fin du XIXe siècle par Hand. En 1953, Lichtenstein
propose le terme d’histiocytose X pour désigner trois
expressions cliniques différentes d’une meˆme maladie, le
dénominateur commun étant la nature histiocytaire ; il
s’agit du granulome éosinophile, de la maladie de Hand-
Schuller-Christian et de celle de Letterer-Siwe. De nombreux
travaux scientifiques ont montré les transformations
possibles d’une forme clinique en une autre, toujours dans
le sens d’une aggravation du pronostic.
La définition actuelle de ces différentes entités cliniques est
basée sur des critéres histologiques. Nezler, en 1973, identifia
la présence des cellules de Langerhans dans les lésions.
L’histiocytose langerhansienne est une maladie due à la prolifération des histiocytes issus de la différenciation des
monocytes (variété de leucocytes de grandes dimensions
destinés à devenir des macrophages et dont le roˆle est la
captation et la digestion des éléments étrangers). Les histiocytes
assurent normalement la défense de l’organisme, mais
en cas d’histiocytose, leur multiplication anormale s’accompagne
d’une invasion des viscères et/ou des os [2, 4].
L’histiocytose langerhansienne peut atteindre divers tissus
et organes et prendre selon la localisation une expression
clinique différente. On distingue des formes localisées (granulome
éosinophile) et des formes diffuses, aigue¨s (maladie
de Lettere-Siwe) ou chroniques (maladie de Hand-Schuller-
Christian) [3, 4].
Notre cas clinique entre dans le cadre des granulomes éosinophiles.
Ils se localisent le plus souvent au niveau des os
et/ou des poumons. L’atteinte osseuse, unique ou multiple,
affecte préférentiellement la mandibule et se manifeste cliniquement
par des douleurs, des tuméfactions, des fractures
spontanées, des mobilités dentaires anormales ou
encore un retard de cicatrisation après avulsion dentaire.
On n’observe pas de signe de Vincent.
Radiologiquement on décrit une lacune osseuse à contours
finement « grignotés » qui siége le plus souvent au niveau
molaire et qui a tendance à apparaıˆtre dans la zone de
bifurcation des racines ; celles-ci pouvant parfois eˆtre résorbeés. Il existe des cas de destruction des bourgeons dentaires
et de perforation de la corticale osseuse [1].
C’est l’examen anatomopathologique qui permet de poser
un diagnostic de certitude [3]. L’histologie conventionnelle
renseigne sur la topographie de l’infiltrat histiocytaire,
l’aspect des cellules, l’association à des éléments non histiocytaires
(lymphocytes, éosinophiles), la présence de cellules
géantes ou encore l’existence d’une surcharge lipidique.
La mise en évidence en microscopie électronique
des corps de Birbeck dans le cytoplasme des cellules de Langerhans
ainsi que le marquage membranaire des histiocytes
par immunohistochimie avec un anticorps anti-CD1a
confirme le diagnostic d’histiocytose langerhansienne [3].
Le traitement doit eˆtre adapté à la sévéritè de la maladie et
à son caractére èvolutif. Le traitement chirurgical (curetage–
exèrése) est le premier choix en cas de lésion osseuse
unique. Il expose à moins de 12 % de récidives. Une injection
locale de corticoı¨des (80 à 100 mg de succinate de
méthylprednisolone) est parfois proposée seule ou en association
avec le traitement chirurgical. La radiothérapie,
autrefois indiquée en cas d’exérèse chirurgicale incomplète,
est aujourd’hui contre-indique´e de principe dans la maladie.
On la pratiquera toutefois exceptionnellement lorsque
les le´sions s’avèrent menac¸antes d’un point de vue fonctionnel.
On réservera les traitements les plus lourds et les
plus agressifs aux formes disséminées. Il s’agira alors de
chimiothérapie (vinblastine…) associée ou non à une corticothérapie (prednisone) qui a pour but d’atténuer et/ou
d’espacer les poussées évolutives.
Le pronostic reste variable et fonction de la sévérité de la
maladie ainsi que d’une prise en charge précoce et approprieé, les formes osseuses uniques ayant un pronostic très
favorable [1, 4, 5]. L’évolution clinique de notre patient a été
favorable. Le bilan général a permis d’exclure d’autres localisations
de la maladie. Le suivi radiologique (Pet-Scan) a
montré la présence de remaniements osseux traduisant
une guérison progressive de la lésion mandibulaire [1, 5].


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